Au printemps, la Cour des comptes avait estimé que s'arrêter à un âge légal de 63 ans "aurait un coût complet de 13 milliards d'euros sur les finances publiques pour l'exercice 2035".

Sébastien Lecornu à L'Haÿ-les-Roses, le 11 octobre 2025. ( POOL / MARTIN LELIEVRE )
C'est l'un des éléments centraux des tractations entre Sébastien Lecornu et la gauche : quel avenir pour la réforme décriée des retraites de 2023. Elle pourrait être suspendu, dans un geste à destination de la gauche. Quelle forme prendrait cette suspension ? Quel en serait le coût ? Ce que l'on sait de ce sujet politiquement inflammable.
• Qui propose quoi ?
Quelques personnalités du camp présidentiel ont pris position pour suspendre la réforme des retraites de 2023, y compris l'ancienne ministre de l'Éducation Elisabeth Borne, qui l'avait portée comme Première ministre.
Le PS réclame une "suspension immédiate et complète" . Ce qui signifie, pour son premier secrétaire Olivier Faure, un "gel" du décalage de l'âge légal (qui glisse progressivement vers 64 ans) et un gel de "l'accélération sur la durée de cotisation".
La CFDT demande le gel de l'âge légal, mais n'exige pas de modifier la réforme Borne sur la durée de cotisation.
LR, Horizons, comme le Medef, restent opposés à une suspension. Cela enverrait "un message terrible aux marchés financiers en leur signifiant que la France est irréformable", et pèserait "sur la croissance, donc sur l'emploi, donc sur le pouvoir d'achat", a affirmé au Journal du dimanche Patrick Martin, le président du Medef.
Emmanuel Macron n'a pas donné de position claire sur cette réforme majeure de son quinquennat. Mais face aux chefs de partis vendredi, il a évoqué pour la première fois un décalage dans le temps de "la mesure d'âge". Sébastien Lecornu, à peine confirmé à Matignon, a jugé que "tous les débats sont possibles, dès lors qu'ils sont dans un cadre réel et réaliste , y compris sur les questions budgétaires".
• Que pourrait signifier un gel de l'âge légal ?
La réforme décale progressivement l'âge légal de départ de 62 à 64 ans à raison d'un trimestre chaque année, l'âge légal atteignant 64 ans pour les personnes nées en 1968, qui partiront à partir de 2032.
Suspendre la réforme signifie, pour PS et CFDT, geler l'âge légal à son niveau actuel de 62 ans et 9 mois -le seuil valable pour la génération née en 1963, qui commence actuellement à partir en retraite. La première génération gagnante serait celle de 1964, qui partirait à 62 ans et 9 mois à partir d'octobre 2026, au lieu de 63 ans.
Selon la CFDT, à partir de chiffrages des services de l'État, environ 600.000 personnes bénéficieraient d'une telle suspension en 2026 et 2027 .
Une autre hypothèse serait de geler à 63 ans, mais cela n'aurait pas d'effet avant la présidentielle : la première génération à gagner un trimestre serait la génération 1965, qui partirait à 63 ans à partir du 1er janvier 2028, au lieu d'avril 2028.
"Décaler dans le temps" impliquerait de modifier seulement le calendrier d'application de la réforme, pour arriver quand même à 64 ans à terme.
• Partir avec combien de trimestres ?
La réforme de 2023 accélérait aussi l'application de la réforme Touraine de 2014, qui a prévu de passer de 42 à 43 années de cotisations nécessaires pour partir à taux plein. Aujourd'hui, la génération 1963 doit avoir cotisé 170 trimestres (42,5 ans). La génération 1964 devra cotiser 171 trimestres, et la génération 1965, 172 trimestres (43 ans).
Si cette partie de la réforme est aussi suspendue, le calendrier de la réforme Touraine reprendrait alors, avec une durée de cotisation passant à 171 trimestres pour la génération 1970, et 172 trimestres pour la génération 1973.
• Combien ça coûte ?
Selon plusieurs sources, les services de l'État ont chiffré à 500 millions d'euros en 2026 le gel de la mesure d'âge à 62 ans et 9 mois. En 2027, ce gel "coûterait pas moins de 3 milliards d'euros" , selon Sébastien Lecornu.
Au printemps, la Cour des comptes avait estimé que s'arrêter à un âge légal de 63 ans "aurait un coût complet de 13 milliards d'euros sur les finances publiques pour l'exercice 2035", dont 5,8 milliards d'euros de dégradation du solde des retraites, et 7,2 milliards de pertes de recettes publiques.
• Abroger la réforme ?
Plusieurs voix politiques et syndicales -LFI et la CGT en particulier- réclament une "abrogation". Abroger serait politiquement plus complexe, alors que les générations 1961, 1962 et 1963 ont déjà subi les conséquences du texte.
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